Route monotone et chaleur humaine

Récit de l’étape de Buenos Aires à Carhué (1.12. au 8.12.2016)

Nous passons trois jours à Buenos Aires. Une ville immense où nous nous sentons tout de suite à l’aise. Un air de grande ville « européenne ». On profite pour visiter un peu, voir une exposition, passer du temps dans des cafés. Mais malgré la bonne volonté de nos hôtes warmshowers, ici nous ne retrouvons pas le confort que nous avions connu à d’autres endroits, notamment à Montevideo, et nous décidons donc de repartir, malgré le fait qu’on aurait certainement encore pu faire plein de choses dans cette ville. Ce sera pour une autre fois…

Au quartier populaire et artistique “La Boca”

Image typique à Buenos Aires: Les chiens d’un “dog-walker”
Une librairie dans un ancien théâtre

Nous étudions plusieurs options pour sortir de la ville. Une option, de prendre un train pour Bahia Blanca beaucoup plus au sud, tombe car le train ne transporte plus les vélos. Dommage, cela nous aurait épargné plusieurs centaines de kilomètres de pédalage… A la place, nous optons pour un train suburbain pour sortir de la ville. Cela nous évitera au moins un jour de pédalage sur des autoroutes urbaines. C’est donc parti le 1er décembre. Nous prenons d’abord la route et quelques pistes cyclables pour arriver à la gare. Pistes cyclables pas toujours bien faites, avec des interruptions et des carrefours dangereux… Arrivés enfin à la gare, c’est le prochain défi : arriver jusqu’au wagon vélo au bout du train, en passant par un quai bondé de monde. Un défi beaucoup plus important nous attend pourtant plus tard. Arrivés à Ezeiza après un voyage d’une heure et demie debout à côté de nos vélos, nous devons changer de train. Pour arriver au quai, la seule option est un escalier ! Tout ça dans la foule dont une partie se presse vers la sortie et l’autre dans l’escalier vers l’autre quai. Nous demandons un peu au hasard à des passants de nous aider à transporter nos vélos, car personne ne nous propose spontanément de l’aide… Ce défi passé, nous devons monter dans le prochain train. Alors que le premier était un train assez moderne avec l’entrée située au même niveau que le quai, le deuxième est un modèle ancien avec des escaliers très hauts et très raides pour monter dans le wagon. Il faut donc enlever une partie des sacoches et hisser chaque vélo dans le wagon… En plus, il n’y a visiblement pas de « furgón » ou wagon de bagages, nous nous trouvons donc avec nos vélos chargés dans le couloir d’un wagon normal.

Dans le train d’Ezeiza à Cañuelas

A l’arrivée à notre destination, Cañuelas, le dernier défi : le quai n’est pas assez long pour le train, et quand il s’arrête la porte par laquelle on est sensés sortir se trouve… en face d’un mur ! Il faut donc traverser deux wagons et leur couloir étroit pour trouver une porte assez large et avec assez d’espace pour sortir les vélos…

Inutile de dire que le lendemain j’aurai des courbatures, mais pour changer ce sera dans les bras !

Heureusement que Cañuelas est une petite ville tranquille déjà bien loin de la circulation frénétique de Buenos Aires, nous aurons donc au moins évité ça. Nous nous posons tout de suite dans un parc pour manger notre picnic et reprendre un peu nos forces. Il est déjà passé 14 heures quand nous prenons enfin la route. Elle est assez fréquentée, mais nous avons la bande d’arrêt d’urgence pour nous. Il faut juste éviter les « despertadores », ces petites bosses placées sur la bande d’arrêt pour alerter des chauffeurs qui auraient dévié de la route…

On traverse la petite ville de Lobos à la recherche d’une banque avec un bancomat qui veuille bien accepter de nous donner de l’argent, et comme d’habitude on trouve notre bonheur dans une banque internationale (contrairement aux banques nationales et provinciales argentines qui n’acceptent jamais nos cartes étrangères…). Encore un peu de pédalage, et nous arrivons à la Laguna de Lobos où nous nous installons dans le camping du club des pêcheurs. Nous sommes presque les seuls, c’est calme et agréable, et même si le lac n’invite pas franchement à s’y baigner (l’eau est vaseuse et il y a plein de déchets sur les bords), la vue est belle.

Laguna de Lobos

Nous y rencontrons Agustín, un jeune cyclo-voyageur argentin de 22 ans, parti de Buenos Aires la veille et aussi en route en direction de Bariloche, avec sa guitare accrochée sur son vélo. Nous passons le temps du dîner ensemble, c’est très sympathique.

Alors qu’il part le lendemain, nous restons une journée au camping à nous reposer. Après les jours à Buenos Aires à marcher dans la ville, nous avons besoin d’un peu de repos. La journée file, entre écriture, lectures, sieste, et petits délices.

Dîner de crêpes avec la belle vue

Le soir un vent fort se lève, il nous réveillera plusieurs fois pendant la nuit. Le matin, on prend le petit-déjeuner dans la tente, tellement il y a du vent. Nous décidons quand-même de partir, et sommes étonnés de remarquer que le vent se limite à la région du lac, et qu’il se calme rapidement. Nous faisons quelques kilomètres sur une route tranquille et non-asphaltée, avant de rejoindre la route principale avec ses camions.

Rond-point à l’entrée d’un village

Nous arrivons à Saladillo en milieu d’après-midi et passons au centre pour une pause-café et les courses au supermarché. Nous aimerions trouver un endroit de camping. Nous passons donc demander à la station-service en ville si on peut camper à une autre station-service à la sortie de la ville. Ils sont vraiment très serviables, un des employés va même téléphoner à la prochaine station-service pour demander, et la réponse est positive. Nous nous y dirigeons donc, encore quelques kilomètres pour sortir un peu de la ville, est on y est, à la grande station YPF, avec douches, café, restaurant, et zone de picnic où on nous permet sans problème de poser la tente pour la nuit.

Camping à côté de la station-service

Nous y rencontrons un autre cyclo-voyageur argentin, nous remarquons tout de suite sa remorque originale. Il n’est pas très loquace, mais nous raconte quand-même qu’il vit une vie nomade sur son vélo depuis 10 ans. Il tente de vendre un peu d’artisanat aux stations-service.

Le vélo d’un vrai nomade.

Le lendemain on part après avoir fait le plein d’eau. Une longue étape nous attend, plus de cent kilomètres sans station-service ni village, et 150 km jusqu’à la prochaine ville. Il va donc falloir camper quelque part. La route est comme d’habitude, plate et droite et avec vue sur d’immenses champs. Après 40 kilomètres nous nous arrêtons à la dernière station-service pour faire le plein de boissons.

Il y a passablement de circulation, et la bonne bande d’arrêt d’urgence a disparue. A la place, ce sont des cailloux et de l’herbe. Nous devons faire bon usage de nos miroirs et toujours être vigilants, car quand les camions ou voitures se croisent à notre niveau, c’est à nous de nous écarter, donc d’aller rouler dans l’herbe. Le vélo n’a clairement aucune priorité ici, et un vélo sur la route ne justifie en rien l’usage des freins…

Il y a quand-même des gens avec un grand cœur. En fin d’après-midi, alors que nous avons soif car nous essayons de boire le minimum pour garder un peu d’eau pour le bivouac, nous nous arrêtons à l’ombre. Par hasard, un camion s’arrête au même endroit. Le chauffeur nous voit, mais sa première question n’est pas de savoir d’où on vient ou ce que sont nos vélos bizarres. Non, il nous demande, même avant de sortir de son camion, si on veut à boire. Il a plein d’eau bien fraîche. Oui on veut ! Trois litres d’eau fraîche plus tard nous sommes un peu réanimés et on passe un moment sympa à parler avec le chauffeur de camion.

Nous continuons notre route et commençons à essayer de trouver un endroit de bivouac. Très difficile – des champs partout, des clôtures avec des portails fermés au cadenas, peu de maisons en vue. Nous nous arrêtons devant une maison, mais il ne semble y avoir personne. Nous pédalons déjà depuis 125 kilomètres et la fatigue commence à se faire sentir… quand nous voyons un minibus, arrêté devant un portail. Derrière le portail, ce n’est pas une maison, mais un sanctuaire dédié à la Virgen de Lujan. Nous allons voir, et nous sommes tout de suite d’accord que c’est LE coin parfait pour camper : Un petit jardin avec de l’herbe parfaite, des fleurs, et un puits avec de l’eau fraîche. Mais pas de responsable des lieux en vue. Les propriétaires du minibus sont des touristes comme nous. Après un moment d’attente, nous décidons de nous installer discrètement en arrière, à côté de quelques arbres. Le lieu n’est pas idéal et pas très plat, mais on se dit qu’on ne risque pas d’être vus. Nous commençons à nous installer, quand arrive un homme, visiblement le responsable du lieu car il vient arroser les plantes. Nous allons expliquer ce qu’on fait là, et il nous invite tout de suite à planter la tente au milieu du jardin, sur l’herbe parfaite ! Et nous pouvons nous servir d’eau pour nous laver, boire et cuisiner. Nous passons une nuit bien tranquille, à part quelques grenouilles qui font du bruit et qui viennent se promener dans notre tente. Cela aura été notre plus longue étape depuis le début du voyage!

Le sanctuaire et son jardin, parfait pour camper.

Le matin nous repartons sous les nuages. Peu avant l’entrée à la prochaine ville, Bolívar, nous mettons nos habits de pluie car les gros nuages menacent. Pour finir, ça aura été pour rien, car il commence à pleuvoir quand nous sommes déjà arrivés au centre-ville et juste au moment où nous entrons dans un supermarché.

La pluie menace…

Nous allons dans un café, il n’est que midi mais au vu de la pluie, du vent qui vient en face, et du fait que le prochain village est à 80 kilomètres, nous décidons de passer la nuit à Bolívar, dans un hôtel. Mais quelqu’un a d’autres plans pour nous…

Alors que je suis aux toilettes, un monsieur vient parler avec Miguel. Il a vu nos vélos et demande tout de suite si on a un endroit pour dormir. Il veut nous amener à la municipalité car il nous dit qu’ils peuvent nous loger gratuitement. C’est justement à ce moment qu’une dame qui travaille pour la ville passe devant le café, le monsieur l’appelle, lui expose la situation, et puis les choses se passent toutes seules : elle téléphone à sa collègue, qui appelle quelqu’un, elle nous rappelle, et nous voici sur nos vélos à nous diriger en direction de la salle de sports où nous sommes attendus. Tout ce temps accompagnés par le premier monsieur, qui dit s’appeler Francisco Francisco et être chanteur. Nous le trouvons certes gentil mais un peu bizarre, nous n’arrivons pas à comprendre pourquoi il fait tout ça pour nous, car notre voyage ne semble pas l’intéresser beaucoup…

Pour finir, la ville nous loge dans un dortoir de la salle de sport, avec douche dans les vestiaires, cuisine à disposition et même Wifi – tout ça gratuitement ! Dehors on entend des coups de tonnerre – nous sommes bien contents d’être à l’abri. Une fois installés dans notre chambre, notre chanteur nous lâche enfin, mais seulement après qu’on lui ait promis de regarder le programme de télé où il va passer quelques jours plus tard.

(Nous ne le regarderons pas, par manque d’opportunité. Mais on a déniché une vidéo de lui sur Youtube, de mauvaise qualité mais on voit quand même le style…)

Une fois le soleil revenu, nous partons pour une promenade dans la ville, puis passons le reste de l’après-midi à nous reposer de la longue étape de la veille.

La salle de sport oú nous avons été accueillis.
Notre chambre
La gare de Bolívar – aujourd’hui abandonnée. Il n’y a presque plus de trains en Argentine.

Le lendemain il fait de nouveau beau et chaud, et nous continuons sur notre route, que nous partageons toujours avec les camions. Il y a des routes secondaires non-asphaltées marquées sur la carte, mais un monsieur avec qui on parle un moment au bord de la route nous les déconseille. Nous nous résolvons alors à supporter cette route encore deux jours, avant de prendre une route de moindre qualité mais aussi beaucoup moins fréquentée.

Un camion après l’autre sur la route 65.
Rencontre au bord de la route: cet homme nous a donné de bons conseils.

Nous arrivons à Daireaux (prononcé Dero en espagnol) en fin d’après-midi. La station-service ne nous donne pas très envie de camper, nous tentons donc notre chance au parc municipal. Nous avons fini par comprendre que c’est toujours une bonne chose de s’adresser aux lieux gérés par la municipalité, comme les parcs et les salles de sport.

Le parc semble tranquille, un bon endroit pour camper. Le gardien du parc doit appeler son chef pour demander, qui semble dire tout de suite oui. Par contre nous avons très envie d’une douche, et le parc ne dispose que de toilettes dans un état de propreté douteux. Comme le chef du gardien semble se trouver à la salle de sport, nous décidons de nous y diriger. Nous l’y retrouvons effectivement, avec des dizaines d’enfants et jeunes en train de faire la gym. On nous laisse utiliser très volontiers un vestiaire pour prendre une bonne douche chaude. Le prix à payer ? Une petite interview pour la radio/TV locale… enfin radio c’est un grand mot, la station est gérée par des volontaires, et l’interview est filmée avec un smartphone… Je ne sais pas ce que ça a donné, surtout qu’on sortait de la douche, avait les estomacs vides et était complètement pris par surprise !

La salle de gym de Daireaux

Mais ensuite ils nous laissent rapidement tranquille, on retourne donc à notre parc pour y installer notre tente et faire à manger, et passer une nuit bien calme.

Camping au parc municipal de Daireaux

Le lendemain on prend la route tôt, on supporte encore les camions, on piquenique déjà à 11 heures du matin dans un village, et on arrive à Guaminí avant 15 heures. Il n’y a vraiment pas grand-chose à raconter sur la route, c’est toujours la même chose, et oui c’est un peu ennuyeux. Donc ce sont les villages et petites villes qui apportent un petit peu de divertissement…

Un peu toujours la même chose… plat, tout droit, et des champs des deux côtés.

A Guaminí on se dirige vers le camping municipal, situé au bord du lac, qui ne donne de nouveau pas une grande envie de s’y baigner. Nous passons le reste de l’après-midi à attendre : attendre que le supermarché ouvre (ici tout est fermé pour la sieste, souvent jusqu’à 17h30), attendre l’arrivée de la personne qui a la clé des douches (elle débarque finalement à 19h, quand on est en train de cuisiner…). Le camping finit par coûter le double de ce qui est affiché – très fréquent en Argentine, la réponse étant « ah mais on vient de changer les prix, on n’a pas encore adapté le panneau »…

La mairie de Guaminí

On a gentiment besoin d’un jour de repos, mais nous décidons de continuer à Carhué le lendemain, une ville un peu plus grande et avec plus d’infrastructure touristique. Nous sommes heureux de pouvoir enfin quitter notre route à camions – le dernier bout devenait franchement difficile, car il n’était presque plus possible de pédaler dans l’herbe à côté de la route, ça nous stoppait chaque fois qu’il fallait éviter un camion.

Nous prenons donc la route 60, de moins bonne qualité, mais aussi beaucoup moins fréquentée. Pour la première fois depuis des semaines, nous pouvons passer des moments à rouler un à côté de l’autre. Et la route commence à être légèrement vallonnée, nous faisons donc notre première descente en Argentine !

La route 60 en direction de Carhué: en moins bon état, mais tellement plus calme.

Nous arrivons à Carhué pour le picnic de midi. Au poste de tourisme nous recevons quelques informations utiles sur le village proche d’Epecuén, submergé par les eaux salées du lac pendant des années, et qui est aujourd’hui présenté comme la grande attraction touristique du coin (personnellement je trouve que c’est plutôt un gros tas de cailloux un peu glauque, mais bon…). Nous arrivons un weekend prolongé, il y a du monde en ville, mais il y a aussi tous les services nécessaires – magasins, banques, mécanicien de vélo, logements pour touristes. Tant mieux, car je passerai une semaine ici. Un événement  inattendu fait que Miguel doit rentrer au Portugal pour le weekend, nous organisons donc son voyage en coup de vent, ainsi qu’un petit studio de vacances pour moi, où je passe une semaine seule à me reposer, travailler pour le blog et visiter un peu le coin.

La hauteur de l’eau quand le village était complètement submergé par le lac salin, en 1993.
Le village d’Epecuén, submergé par les eaux salines dans les années 1990 puis réapparu, et aujourd’hui présenté comme attraction touristique.

Ce temps de repos inattendu était peut-être nécessaire, car nous allons entrer dans la Pampa. De longues étapes au milieu de nulle part nous attendent.

Le voyage reprend !

2 thoughts on “Route monotone et chaleur humaine

  1. Eva, que tal, soy jorge, el hombre de la ruta que te dio datos en URDAMPILLETA,(antes de DERO) me encuentro en una foto, jaja muy bueno, Veo que te has quedado en Carhue, como te decia en las ruinas de lago epecuen no hace mucho se hizo una publicidad de Red Bull con un ciclista muy famoso que lo podes encontrar seguro en yuotube, ademas tenes lugares con baños termales, tienen muchas propiedades las aguas saladas de ese lago, de ahi en adelante la ruta es bastante agradable, un poco rota pero hasta llegar a la provincia de La Pampa, despues mejora y el transito es tranquilo, hasta llegar al General Acha vas a encontrar lugares para parar y pueblos relativamente cerca uno de otros, despues de General Acha biene lo monotono y preparate para tramos extensamente largos sin poblaciones y sin gente, asesorence bien en General Acha, sobre todo, y principalmente provisiones, agua, fundamental, la ruta mas pintoresca para cruzar La Pampa, para arribar a Neuquen es por PUELCHE-CASA DE PIEDRA y luego arribas a General Roca, ya ahi estas a 50km de NEUQUEN Capital.

    Bueno no los aburro mas, sigo viajando junto a sus relatos, cualquier cosa, duda, inquietud me contactan,

    Un fuerte Abrazo

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