Demain il fera beau

Notre étape sur la Carretera Austral, de Puerto Varas à Puerto Aysén, du 15 au 29 janvier 2017

On vous a laissé à la maison de notre hôte Adriana, d’où nous repartons après trois jours reposants. Il nous reste un peu plus de trois semaines pour découvrir une petite partie du Chili, avant de rentrer en Europe. Nous avons choisi de faire une partie de la fameuse Carretera Austral, jusqu’à un port nous permettant de retourner à Puerto Montt en bateau.

« La carretera est toute asphaltée de Puerto Montt jusqu’à Coyhaique » nous dit Adriana. Son mari l’a faite à vélo il n’y a pas longtemps, alors ça doit être vrai… ou bien??? Nous allons voir.

Pour l’instant nous pédalons en direction de Puerto Montt et profitons des dernières vues sur le volcan Osorno.

Nous rencontrons un couple roumain, voyageant à vélo dans le sens inverse. On s’arrête pour parler un moment. « La météo est vraiment dure sur la carretera, il pleut tout le temps », ils nous disent. Bah, un peu de pluie de temps en temps, faut pas s’affoler non plus… ou bien??? Nous allons voir.

L’arrivée à Puerto Montt est facile sur une piste cyclable, nous arrivons pile devant le grand centre commercial où nous voulons nous arrêter pour acheter un nouveau matelas de camping pour moi. Mon matelas Thermarest a une grosse bulle au niveau des pieds et ça devient inconfortable. Alors nous profitons des magasins outdoor à Puerto Montt pour acheter un matelas de la marque Doite, marque chilienne au nom drôlement similaire à une grande marque allemande… C’est du made in China mais ça fera l’affaire en attendant de recevoir un nouveau Thermarest.

Nous avons toujours eu l’habitude de laisser nos vélos, y compris les bagages, seuls devant des supermarchés, des centres commerciaux, en ville… pendant qu’on faisait les courses (en emportant les valeurs et surtout les passeports avec nous, bien entendu), et ceci dans tous les pays. Il y a toujours quelqu’un qui regarde, et puis qui voudra de nos sacoches délavées et sales ou du sac à dos usé, fixé avec des sangles sur le porte-bagages de Miguel? Devant le centre commercial nous demandons à quelqu’un où se trouve un endroit sûr pour les vélos. Il nous indique le parking souterrain, juste à l’entrée, à côté des motos. Un gardien de sécurité se trouve là à côté des barrières, l’endroit est surveillé par vidéo. On décide que ça va, comme toujours… ou bien??? Nous allons voir.

Nous passons du temps à choisir le bon matelas, puis ayant une petite faim, nous faisons un tour au McDo – ça faisait longtemps qu’on s’était dit qu’on allait déjeuner au McDo, alors c’est le moment!

On n’est pas spécialement fiers de nous, mais tous les 5 ans il faut aller voir si le BicMac est toujours le même, non?

De retour aux vélos. Un truc est différent.

M***e.

Le sac à dos de Miguel a disparu.

Dedans, il y avait – notre tente. Notre tente Hilleberg.

A un moment comme ça, on a l’impression de tomber dans un vide. Ça ne peut pas être vrai.

Puis le cerveau commence à tourner frénétiquement. Qu’est-ce qu’il y avait d’autre dans le sac ? Passeports, argent, non c’est tout bon. On va vers le garde de sécurité (qui n’est en fait pas resté à côté des barrières de sortie), vers le policier devant la sortie du parking. Rien vu. Le chef de la sécurité du centre commercial vient, on parle une éternité avec lui, il semble stressé. A-t-il peur qu’on lui fasse des ennuis ? On sait que c’est de notre faute. On n’aurait pas dû… mais ça ne sert à rien maintenant. Le policier dehors fait finalement la seule chose utile, appeler des collègues pour qu’on puisse faire une déclaration de vol. C’est fait vite et avec professionnalisme, ils nous expliquent où aller le lendemain pour recevoir les papiers nécessaires pour notre assurance.

Nous avions prévu de continuer un bout à vélo aujourd’hui. Changement de plans, on trouve une chambre dans une maison d’hôte, et on retournera acheter une nouvelle tente dans le même centre commercial. Car il n’est pas question de se laisser pourrir la suite du voyage à cause d’un vol!

En traversant le centre-ville, nous nous rendons compte de la pauvreté. Puerto Montt a beaucoup souffert d’une crise dans l’industrie du poisson, il y a beaucoup de chômage et les problèmes qui vont avec – sans-abris, mendiants, vols. Nous nous en étions pas rendus compte. On est toujours plus intelligent après!

Plus tard, vient la tristesse. La tristesse de savoir que la personne ayant volé notre sac s’attendait sûrement à d’autres objets de valeur ou de l’argent. Elle ne sait sûrement pas quoi faire avec une tente comme la nôtre, ne connaît pas sa valeur. La plupart des choses, ainsi que le sac à dos, risquent bien de finir dans un coin à déchets. Puis la tristesse d’avoir perdu des objets qui avaient une valeur personnelle – le journal de voyage de Miguel, le sac à dos ayant déjà fait le tour du monde en 2009-10, et bien d’autres voyages. C’est enrageant, mais on ne peut rien faire. Juste continuer.

Donc on continue. Le lendemain nous passons au poste de police pour récupérer les papiers avec lesquels on fera la déclaration de vol à notre assurance (pour vous rassurer – ils nous ont tout payé quelques jours plus tard. Merci les assurances suisses !). Puis nous prenons enfin cette Carretera Austral – qui commence avec une route en travaux puis une montée raide! Ensuite nous suivons la plage et traversons de petits villages de pêcheurs, c’est tranquille.

A Caleta la Arena nous devons prendre un ferry, et en attendant nous allons acheter des empanadas dans un café qui nous a été conseillé. Pas pour rien, ce sont facilement les meilleures empanadas de notre voyage!

Débarquement du ferry.

Nous recommençons à pédaler de l’autre côté, sous la pluie et habillés de nos pantalons de pluie et des sur-chaussures. Mais ce n’est qu’un peu de pluie, et au prochain village, Contao, nous pouvons déjà enlever notre équipement de guerriers. Il est 17 heures – quelques réflexions, un peu de discussion, et nous décidons de faire encore un petit bout de route. C’est une montée – mais la route est toute asphaltée, n’est-ce pas?

Disons-le clairement et une fois pour toutes: Non, la Carretera Austral n’est pas toute asphaltée de Puerto Montt jusqu’à Coyhaique. Il y a même des longs bouts non-asphaltés. Certains vont l’être bientôt, mais de loin pas tous. Nous apprenons cette dure réalité en fin de journée, déjà fatigués, et dans une montée. La route est collante, on met une heure à faire à peine 10 kilomètres.

En Amérique du Sud c’est vraiment, mais alors vraiment difficile d’avoir des informations adéquates sur l’état de la route,on l’avait déjà vécu en Argentine. Même quand cette information semble fiable, on ne peut jamais s’y fier. Est-ce que les gens embellissent les choses pour ne pas nous faire peur? On ne sait pas.

(en passant, on ne sait pas non plus ce que le mari d’Adriana a fait pendant qu’il prétendait faire la Carretera Austral à vélo… mais on lui laisse le soin de voir ça directement avec lui.)

Nous arrivons à une maison qui loue des cabanes. On va demander si on peut camper là, oui on peut mais la petite dame aux yeux malins nous demande 8000 pesos – un peu plus que 11 Euros. Et ça, c’est pour un bout d’herbe, une table sale, et des toilettes avec de l’eau froide. On négocie et on finit par lui payer 5000 – toujours trop mais bon…

C’est le moment d’essayer notre nouvelle tente. Comme nous ne voulions pas dépenser une fortune pour une nouvelle tente (nous allons en racheter une Hilleberg en Europe), nous en avons acheté une toute petite. C’est un peu comme déménager d’un trois-pièces dans un mini-studio. Nos sacoches doivent rester dehors, et si on est les deux dans la tente au même temps il n’y a qu’un qui peut bouger à la fois, sous peine de se prendre un coude au milieu de la figure!

Mais nous reconnaissons aussi les avantages d’une petite tente, elle est très facile à monter et à démonter, elle prend peu d’espace, elle est beaucoup plus légère, et il n’y a quasi pas de condensation à l’intérieur! Quelques jours plus tard nous y passerons une nuit de pluie intense, et à notre plus grand soulagement elle tiendra parfaitement et nous resterons au sec. Par contre elle est bien moins isolante, c’est donc la première fois dans ce voyage que nous apprécions la vraie valeur de nos sacs de couchage en doudoune.

A part nos matelas et sacs de couchage, pas grand-chose d’autre qui rentre dans cette tente…

Le lendemain nous continuons la route jusqu’à Hornopirén, où nous allons prendre un autre ferry. En fait, c’est une traversée qui comporte deux voyages en ferry. Entre les deux, il y a 10 kilomètres de route, à faire en environ une heure. C’est presque plat, donc facile, non? Ou bien??? Eh ben nous allons voir encore une fois…

Pour l’instant nous sommes à Hornopirén, nous avons acheté nos billets et nous attendons le départ du ferry en prenant un café. Un café? Mouais… au Chili, cela veut (presque toujours) dire du Nescafé. Quand les argentins nous avaient dit que le Chili était bon marché, ils ne parlaient sûrement pas de ça, mais plutôt des appareils électroniques, des smartphones, ou des habits – en gros de toutes ces choses qu’ils ont l’habitude d’acheter pendant leurs « vacances » et qu’ils ramènent en Argentine sûrement bien cachées sous les sièges de leur voiture… Mais pour nous, le Chili (ou cette partie assez touristique du Chili pour le moins) n’est pas bon marché du tout, surtout par rapport à la qualité. En tout cas quand je paie 1 Euro pour un peu d’eau chaude et une cuillère de poudre de Nescafé, je trouve qu’il y a un truc qui cloche dans le rapport qualité-prix.

Embarquement au ferry. Les voitures doivent faire demi-tour, car il n’y a qu’une entrée/sortie.

Nous passons un peu plus de 3 heures dans le ferry à pique-niquer, dormir, et regarder le peu de la vue qui est visible à travers les nuages. A l’arrivée du ferry, nous sommes au taquet, il faut démarrer vite car le deuxième ferry ne nous attendra pas… Avec nous, deux sympathiques canadiennes à vélo qu’on rencontrera encore plusieurs fois sur notre chemin, et un tas d’autres cyclistes, mais qui ont tous choisi la version facile – charger les vélos sur un pickup ou un camion et faire le bout de route en voiture. Ce serait quand même trop facile pour nous! Nous ne sommes donc que quatre cyclistes à relever le défi. Nous avons à peu près 45 minutes pour faire les 10 kilomètres, car le premier ferry est arrivé avec du retard.

Et c’est un défi. La route commence avec une montée raide. Les voitures nous dépassent une après l’autre, les deux canadiennes disparaissent rapidement devant nous sur leurs VTT mieux adaptés à cette route – elle est bien évidemment non asphaltée! De plus, il fait froid et humide. Après un début un peu glissant et avec des cailloux partout, la route devient plus lisse et on pédale à fond. Une dernière montée pendant laquelle j’ai juste envie de mourir, et nous arrivons pile-poil à l’heure de départ du ferry – qui aura un peu de retard car il doit encore attendre un groupe d’Américains transportés en bus! C’est la deuxième fois qu’on fait une course comme ça pour attraper un bateau – heureusement que ce sera la dernière fois. Nous sommes fatigués mais contents d’avoir réussi ce défi, nous nous posons au chaud à l’intérieur du ferry. Juste en face de nous, un groupe de jeunes Américains déballe du pain et un pot de Nutella, c’est de la torture!

A l’arrivée du ferry nous ne faisons plus que quelques centaines de mètres jusqu’au prochain camping. Il a l’air sympathique, avec des tables couvertes et des sanitaires propres, même si le prix de 5000 pesos par personne (donc environ 14 Euros pour nous deux) paraît de nouveau un peu démesuré vu qu’il n’y a pas d’eau chaude et pas d’électricité. Nous essayons tant bien que mal de faire sécher un peu nos habits, difficile avec le froid et l’humidité ambiante. Mais il y a de l’espoir – nous recroisons Lisa et Shanne (les canadiennes) à qui le responsable du camping a dit que demain, il fera beau! Enfin, car jusqu’à maintenant les magnifiques paysages ont toujours été cachés derrière les nuages. Et un peu de soleil ne ferait pas de mal pour sécher nos habits… Et si un type qui travaille dans un parc national dit qu’il fera beau demain, ça doit être vrai… ou bien??? Nous allons voir…

Le lendemain matin l’ambiance est humide. On ne doit pas avoir la même notion de « beau ». En tout cas nous on pédale avec nos pantalons de pluie et les surchaussures, et on fait notre pause pique-nique à une table sous un toit en étant bien contents d’avoir du thé chaud dans le thermos. Mais à part ça, la route est sympathique, on pédale dans une dense forêt vierge avec plein de plantes intéressantes, et des vues sur des chutes d’eau.

La route n’est pas terrible, mais les ponts sont bien faits.

On traverse aussi un paysage bizarre, lugubre, presque mort. Que s’est-il passé ici? Tout à coup nous nous rendons compte qu’on se trouve à côté du volcan Chaitén et que le paysage qu’on voit est le résultat de son éruption en 2008, qui a également détruit la petite ville de Chaitén.

Paysage bizarre d’arbres morts.

On passera encore un bout de route en travaux (donc avec une surface horrible), avant de rejoindre la route asphaltée qui nous amène rapidement au village de Chaitén. En trainant un moment devant l’office de tourisme, nous faisons connaissance d’un couple suisse voyageant en camping-car à travers l’Amérique du Sud. Ils font la Carretera Austral depuis le sud, et il se plaignent… de la météo, de l’absence de villages, de l’état des routes. Ils nous promettent une route horrible sur la prochaine étape, une montée non-asphaltée qu’on redoutait déjà, mais si on croit leur description on pédalera dans la boue pendant plusieurs kilomètres. Les Sudaméricains trop optimistes, les suisses trop pessimistes? On ira voir par nous-mêmes. Les suisses sont peut-être dans un moment un peu raz-le-bol, ça arrive à tout le monde…

Le village de Chaitén.

Nous partons chercher une chambre dans un hospedaje (une maison d’hôte). Le premier est plein, le deuxième trop bizarre, le troisième est le bon. Une chambre très simple, mais une douche chaude et nous sommes à l’abri pendant que la pluie recommence dehors. On retrouve Lisa et Shanne qui ont atterri au même endroit que nous, et un monsieur nous propose de venir faire la lessive dans sa maison (on n’a pas compris qui il était, mais visiblement une bonne âme, car quand Miguel est allé mettre la lessive, un couple de touristes sortait de sa salle de bains, ils venaient de prendre une douche chez lui). On se paie un dîner au restaurant, et en ressortant on a la chance d’apercevoir le volcan Chaitén.

Le lendemain il fait – PAS BEAU. Il pleut des cordes. Nous sommes devant l’indécision: rester ici une journée ou avancer une vingtaine de kilomètres jusqu’au prochain village? Ce serait bien de prendre un peu de l’avance sur l’étape avec la montée réputée horrible… et notre hospedaje est un peu déprimant. Nous décidons donc de partir, mais avant nous passons un peu de temps dans un café qui fait des vrais cafés et qui a le meilleur wifi de tout le village (et qui est fréquentée par des touristes étrangers, bien entendu…). Cela nous permet d’écrire notre déclaration de vol à l’assurance. Nous repartons au bon moment, pendant une pause de pluie qui durera exactement jusqu’à notre arrivée au prochain village, El Amarillo. On prend une chambre au seul hospedaje du village, la chambre est petite mais chauffée, on peut utiliser la cuisine et mettre nos habits mouillés dans le séchoir.

Tous les cyclistes ayant fait la Carretera Austral le connaissent – El Avión.

Le soir on fait le tour des trois supermercados et on trouve péniblement les ingrédients pour notre piquenique du lendemain – fromage, pain et pommes. Au Chili, quand on voit un supermercado, il ne faut pas trop s’exciter et penser qu’on a trouvé la Migros du village. Un supermercado peut tout simplement être un coin de la maison d’un particulier qui vent quelques aliments, parfois ça se limite à des chips et des sodas.

Vue sur les montagnes pendant une pause pluie. On aurait bien aimé avoir plus de temps pour explorer ce parc national.

Après une bonne nuit dans des lits confortables avec plein de couvertures, on repart encore une fois avec les pantalons de pluie. On pourra les enlever un peu plus loin pour ne plus les remettre ce jour – quand est-ce qu’il fera enfin BEAU?

Un pont peut-être un peu grandiose pour ce coin de la planète?

Commence la route non asphaltée. Pour l’instant le ripio est bon est l’inclinaison modérée. Jusque-là tout va bien. Puis viennent les travaux, les camions, la montée de plus en plus raide. Sur les derniers kilomètres on pédale sur une sorte de boue collante. Pendant tout ce temps, l’humidité ambiante doit atteindre presque les 100%. Dans l’avenir cette route sera asphaltée, mais à notre avis ce n’est pas pour tout de suite.

Nos vélos couchés se débrouillent plutôt bien sur ces routes. Merci la suspension!

C’est là que je me dis que la Carretera Austral est la route la plus difficile qu’on ait fait pendant notre voyage. Le non-asphalté, la pluie, le froid, les montées.

Enfin arrivés en haut du col, nous parlons un moment avec la dame qui règle la circulation. Elle nous parle avec admiration d’un couple français voyageant avec un enfant, qui a son propre petit vélo. Ils auraient passé le col la veille. Allons-nous les rencontrer?

La descente du col est majoritairement asphaltée et nous arrivons donc rapidement au village de Villa Santa Lucia. L’endroit ne nous inspire pas spécialement, et il est encore assez tôt, nous décidons donc de continuer. La route suit une rivière, on devine des glaciers en haut des montagnes, derrière les nuages. Il fait toujours froid. Nous passons un camping, mais il est très simple et sans douches, nous continuons donc encore un peu. Notre carte indique un hospedaje un peu plus loin, on espère pouvoir y prendre une douche chaude et peut-être camper à côté de la maison. Mais la maison est fermée, un monsieur nous permet de camper à côté, mais je trouve l’endroit un peu visible depuis la route. Donc on continue encore. C’est le retour du ripio, avec beaucoup de cailloux, nous avançons plus lentement. Au bord de la route nous apercevons une femme est deux vélos. Des cyclo-voyageurs. On s’arrête pour parler – c’est la famille française dont on nous a parlé en haut du col. On les verra encore plusieurs fois par la suite, mais on finira par les dépasser après quelques jours car ils avancent assez lentement.

Il ne fait pas encore beau mais on commence à apercevoir le haut des montagnes.

Au prochain village nous voulons vraiment trouver un endroit de camping. Il y a une rivière, on essaie donc de trouver quelque chose au bord de la rivière, mais ça s’avère difficile. On retourne au centre du village, et pendant que je vais toquer à la porte du supermercado pour acheter du pain, Miguel découvre un endroit sympa proche de la rivière. La propriétaire du supermercado nous confirme qu’on peut y camper sans problème – par ailleurs un groupe de trois motards allemands s’y est déjà installé. On n’a pas de douche chaude (seulement la rivière froide), mais on passe une soirée agréable devant un feu de camp. Même le soleil fait une apparition. Peut-être que demain il fera BEAU?

Le supermercado, c’est la maison à droite.
Notre endroit de camping sympa.

Le lendemain, IL FAIT BEAU.

Encore un pont un peu grandiose. Et du ciel bleu!
Fin du ripio et début de l’asphalte. Toujours du bonheur!

On retrouve la famille française, ils avaient campé au bord de la route un peu plus loin. Plus tard, on se fait dépasser par les canadiennes. Et on se fait prendre en photo par des touristes à smartphone. On pensait déjà les chiliens plus discrets par rapport à ça, mais quand ils sont en « mode touriste » ils ne sont pas mieux que les argentins.

Au village de La Junta on arrive pendant la fermeture des supermercados. On tourne un peu au village, puis on décide d’y rester pour la nuit. On s’installe dans un « camping » – en gros, le jardin d’une famille qui veut visiblement battre le record du nombre de tentes qu’on peut monter dans un jardin.

On se sent un peu coincé, là… Et pour tout ce monde, deux salles de bains.

On rencontre une dernière fois Lisa et Shanne, qui vont passer la nuit dans un autre camping, puis retourner à Chaitén pour y prendre un bateau. Dommage, c’était sympa de se faire dépasser par elles de temps en temps!

Témoins d’une autre période…

Le lendemain, il fait ENCORE BEAU.

Presque la Suisse…
Montées et descentes s’enchaînent… ici il n’y a pas de plat!
Arrivée sur Puyuhuapi

On en profite pour partir vite sur la route. Elle suit une rivière puis un lac, on a de belles vues sur les montagnes autour. On se fait aussi passablement empoussiérer par les voitures qui nous dépassent sur le ripio… On s’arrête à Puyuhuapi pour le piquenique et une pause Nescafé + Wifi. En fin d’après-midi on trouve enfin un supermercado ouvert, puis on continue le chemin jusqu’aux bains thermaux quelques kilomètres plus loin. L’entrée coûte beaucoup trop chère pour ce que c’est – 26 Euros par personne pour quelques bassins d’eau chaude et des douches suboptimales et sans vestiaire – mais l’idée de relâcher nos muscles fatigués dans l’eau chaude était trop séduisante.

Entre deux bassins d’eau chaude, une plongée dans le fjord.

On passe la nuit dans un camping un peu plus loin.

Le lendemain, il ne fait PAS BEAU.

Nous faisons une toute petite étape à vélo jusqu’au parc national du Queulat, où nous voulons faire une randonnée pour aller voir un glacier. Pour l’instant tout va bien, le ciel est nuageux mais rien de menaçant. Arrivés au parc national, nous laissons nos vélos à côté de la cabane du gardien et partons à la découverte du chemin. Il nous mène à travers la forêt dense et monte jusqu’à un point de vue en hauteur. Le chemin est assez boueux et glissant.

Arrivés en haut, nous apercevons une chute d’eau – et pas de glacier. Le ciel est complètement bouché.

Nous attendons un moment en compagnie de nombreux autres touristes, peut-être un miracle va se produire et le ciel va s’ouvrir? Pendant ce temps, j’observe avec amusement les différences vestimentaires entre les chiliens (petites vestes, pantalons de jogging, baskets) et les européens (vestes gore-tex, pantalons zip-off, chaussures de randonnée).

Le miracle ne se produit pas, bien au contraire. Nous descendons sous la pluie et arrivons en bas trempés. Nous allons nous installer au camping du parc, de toute façon il n’y a pas grand-chose d’autre à faire. La mauvaise nouvelle: L’eau chaude a des horaires et il faut attendre encore 3 heures jusqu’à la douche chaude. Bonne nouvelle, il y a des tables couvertes par un toit. On s’installe donc à une table et on essaie de passer le temps comme on peut, pendant que la pluie continue avec toute sa force et que le vent commence à se lever. 18h30, je vais à la douche qui est tiède, au mieux. En revenant, un camping-car s’est installé à côté de nous. C’est une famille québécoise et c’est notre plus grande chance de la journée: Ils nous invitent à venir manger à l’intérieur de leur camping-car. Heureusement, car pendant qu’on cuisinait l’eau commençait à couler en-dessous de la table. On passe donc une soirée au chaud et au sec, ils partagent du vin et de la glace avec nous, et quand on termine de manger la pluie s’arrête et on peut aller monter notre tente tranquillement. Le matin ils nous offriront encore un café (un vrai!). Quelle chance on a eu.

Vu qu’on a prévu encore une toute petite étape et vu qu’il fait BEAU, on passe encore un peu de temps au parc national, et cette fois on voit le glacier depuis un autre point de vue où on reste assis au soleil un moment.

El Ventisquero Colgante vu depuis en bas.

La forêt, vue de près.
La suite de la route le long du fjord.

Après 10 km de route tranquille, nous arrivons à un petit hôtel que nous avons réservé pour fêter le fait qu’on se supporte l’un l’autre tous les jours depuis 10 ans! Une jolie chambre dans une petite cabane chauffée au bois, une bonne salle de bains avec une douche bien chaude, un lit de 2m40 de large (je ne savais même pas que ça existait!), un bon repas du soir et un excellent petit-déjeuner, c’est exactement ce qu’il nous fallait.

Devant notre petite cabane d’hôtel.

Surtout que le lendemain matin, nous attaquons une autre grande montée qu’on nous a décrit comme horrible. Pour finir, elle n’est pas si horrible que ça. Le ripio est de bonne qualité et les bouts raides sont rares. Le ciel est nuageux mais il ne pleut pas, et il fait moins humide.

Ceux-là n’ont pas eu la chance de dormir à l’hôtel… Des “mochileros” qui font la carretera en auto-stop.
La route est en travaux, mais seulement l’après-midi.
Arrivée en haut et chutes d’eau.

Vers la fin de la montée j’aperçois une cycliste dans mon rétroviseur. Elle vient vite, elle me dépasse. Encore une petite jeune, je me dis. On se salue pendant qu’elle passe à grande vitesse sur son vélo chargé de sacoches. Ah non, cette dame a au moins une vingtaine d’années de plus que nous! Aïe… Elle attendra plus haut et son mari nous rejoint un peu plus tard. C’est un couple québécois (encore…), en train de traverser le Chili à vélo. Comme quoi, l’âge n’est pas une excuse pour rester à la maison assis sur son canapé!

La descente s’avère assez technique avec beaucoup de cailloux, nos freins travaillent à fond. Puis c’est le retour de l’asphalte. Cette fois c’est sûr, ce sera asphalté jusqu’au bout de notre chemin.

Descente sur cailloux
Ces belles fleurs sont partout aux bords des routes.

Après le piquenique, nous remontons une vallée étroite le long du Rio Cisnes. Des montagnes raides partout, on a l’impression de pédaler en direction un mur, mais la route trouve toujours une petite sortie. La route monte dans une vallée plus large, avec un fond plat et herbeux où il y aurait 1000 endroits parfaits pour camper.

On passe aussi un endroit connu parmi les cyclo-voyageurs: une petite maison de thé et gâteaux. Nous savions que d’autres avant nous ont été terriblement déçus de la trouver fermée, on ne compte donc pas dessus. Bien fait, elle est effectivement fermée. Avis aux cyclistes: Vu l’état de l’intérieur de la petite cabane, c’est possible qu’elle ne soit pas très souvent ouverte…

Un panneau prometteur…
… mais c’est fermé.

Après une dernière montée, nous arrivons à Villa Amengual, petit village perdu entre les montagnes. Au supermercado on nous indique la maison d’une famille qui a fait de son jardin un « camping ». C’est très simple, on partage la salle de bains de la famille et on peut faire la vaisselle dans leur cuisine (qui est délicieusement chauffée au four à bois, donc pour une fois c’est agréable de faire la vaisselle!). On y retrouve le couple québécois, déjà en train de cuisiner, et on sera rejoint plus tard par un jeune étudiant chilien à vélo. Les québécois lui offrent le reste de leurs pâtes pour son dîner. La générosité des canadiens nous donne envie d’aller découvrir ce pays un jour…

Villa Amengual

Le lendemain nous continuons notre route entre les montagnes et sous le soleil. Les montées et descentes alternent et fatiguent nos jambes. La route est calme, on voit presque plus de cyclistes que de voitures.

Pas trop compliqué comme panneau!

Au milieu de l’après-midi, la route descend dans une vallée large, le fond est tapissé par des champs où travaillent les paysans. Cela faisait longtemps qu’on n’en avait pas vus! Jusque-là, le paysage était surtout composé de forêt dense et de flancs de montagne raides. Nous sommes à Villa Mañihuales, un village construit le long de la route. Après quelques tours nous trouvons un camping sympathique.

Nous passons le reste de l’après-midi dans un café (Nescafé…), puis à faire le tour de tous les supermercados pour assembler les ingrédients de notre dîner et du petit-déjeuner.

Le rayon fruits et légumes du supermercado…

Nous arrivons encore à manger dehors, puis la pluie commence et continuera toute la nuit. La plus grande épreuve pour notre petite tente, brillamment réussie!

Nous faisons une journée de repos dans ce village, car il nous reste plusieurs jours avant de prendre le ferry pour l’île de Chiloé, et nous avons besoin de reposer un peu nos jambes. Nous passons la matinée dans la tente et sous un toit pour échapper à la pluie, puis le soleil revient peu à peu.

Villa Mañihuales
Des mochileros à faire du stop. Pas très motivés, ceux-là…

En fin d’après-midi on a besoin de sortir un outil de ce qu’on appelle notre « sacoche technique » – la sacoche avec les outils, les chargeurs, et toute sorte d’autre matériel de réparation et de réserve. Elle semble humide à l’intérieur, bizarre. On sort tout et on se rend compte que le fond de la sacoche est rempli avec de l’eau! Je précise, c’est une sacoche Ortlieb, absolument imperméable… sauf que depuis quelque temps elle a un petit trou suite à une chute, que j’ai réparé avec un patch que je croyais imperméable – visiblement il ne l’est pas. On passe donc la soirée à étaler le contenu de la sacoche sur la table pour essayer de faire sécher les choses, mission presque impossible à cet endroit juste à côté d’une rivière et avec la nuit qui tombe… Plus tard j’ajouterai un patch de chambre à air qui, lui, est vraiment imperméable.

Le lendemain matin, les nuages sont de retour et ça sent la pluie. Nous passons encore un peu de temps à faire notre thé et à utiliser internet, et quand nous sommes enfin prêts à partir les nuages sont tous partis et le ciel est grand bleu. C’est ça aussi, la carretera austral – le temps qui change et qui surprend parfois. En tout cas reposés et avec du soleil nous avons beaucoup plus de plaisir à rouler, malgré les nombreuses petites montées parfois assez raides. Nous continuons à suivre des belles vallées vertes, avec champs et pâturages de vaches et de moutons.

Nous quittons la carretera austral, qui continue vers Coyhaique et le sud. Nous nous approchons de Puerto Aysén, notre destination du jour. La circulation devient plus dense, c’est moins de trafic de touristes et plus de trafic local et de camions. La route est donc moins agréable, mais nous ne nous sentons de loin pas aussi en danger qu’en Argentine. Ici, les gens essaient toujours de nous donner de l’espace et ne rechignent pas à ralentir quand c’est nécessaire.

Nous restons deux nuits à Puerto Aysén, une petite ville sans intérêt particulier, sauf sa proximité avec le port de Puerto Chacabuco d’où partent de nombreux ferrys pour le nord et le sud du Chili. La plupart des touristes prennent un bus direct pour Coyhaique sans s’arrêter à Puerto Aysén. Mais pour un jour de repos c’est tant mieux, au moins on ne se sent pas obligés d’aller visiter des endroits. Un skype avec des amis, un déjeuner au restaurant, nettoyage des vélos… et la journée est finie.

Maison typique à Puerto Aysén.

Le soir la pluie recommence. Nous sommes contents d’être au sec et au chaud, et pas dans notre tente. Le lendemain matin nous partirons sous la pluie en direction de Puerto Chacabuco pour aller prendre notre ferry, et il y aura de la neige fraîche sur les montagnes.

Donc, notre conclusion sur ce bout de la Carretera Austral:

  1. Elle n’est pas asphaltée partout
  2. Il pleut beaucoup
  3. Elle n’est jamais plate
  4. Quand quelqu’un dit qu’il fera beau demain, c’est presque toujours faux.

A cause de tout ça, c’est probablement une des routes les plus dures qu’on n’ait jamais faites à vélo.

Mais c’est aussi une des (rares) routes qu’on referait une deuxième fois sans hésiter, et qu’on conseillerait à d’autres sans hésiter. Parce qu’elle est juste tellement belle.

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