De la chaleur, de l’eau et la belle vie

Récit de l’étape de Covão da Ametade à Lisbonne (20 au 27.8.2016)

Nous nous réveillons après une nuit calme sur notre camping semi-sauvage. Le soleil brille de nouveau et il fait encore frais. Nous allons commencer notre descente le long du Rio Zêzere. Après la montée des derniers jours, nous nous attendons à une journée de descente – comment cela pourrait-il être autrement ?

Une superbe descente sur une route vide de toute circulation, avec des virages parfaits et avec une belle vue sur la vallée nous attend tout de suite après le petit-déjeuner. Nous arrivons donc rapidement à Manteigas.

On se sent un peu à la maison…

Ensuite nous continuons à descendre et on sent rapidement la fraîcheur de la montagne disparaître. Après un arrêt café-toast la descente se transforme lentement en route ondulante enchaînant montées et descentes, le tout avec la température qui commence à monter. Nous avons pensé atteindre la prochaine ville, Covilhã, pour l’heure du déjeuner et continuer encore jusqu’au prochain camping, mais sous la chaleur de plus en plus lourde nous sommes obligés de nous arrêter sur une petite place de piquenique où il y a de l’ombre et de l’eau potable. Après le déjeuner j’ai un gros coup de sommeil et un désir soudain d’une climatisation. Hésitations, consultation d’internet, mesure de distances. Et voilà c’est décidé, nous allons nous arrêter à Covilhã, dans un hôtel dont les prix sont corrects et qui promet une chambre avec clim’ et un buffet de petit-déjeuner. Les quelques kilomètres qui restent jusque-là sont plus longs que prévus à cause de la chaleur et de quelques montées qui semblent interminables. Covilhã est bâtie sur le flanc d’une colline…

Enfin nous arrivons à l’hôtel, les vélos sont parqués à l’intérieur, la chambre bien fraîche, je commence à reprendre des esprits. Pendant que Miguel part faire une lessive, je repose mes jambes en organisant les étapes suivantes sur l’ordinateur. Pour le dîner on se contentera d’un petit café pas trop loin, au lieu de monter au centre-ville. La visite touristique de Covilhã devra attendre notre prochain passage !

La chaleur sera de nouveau au rendez-vous le lendemain. Nous nous jetons sur le buffet de petit-déjeuner pile poil à l’heure d’ouverture. Objectif : se remplir le ventre pour tenir jusqu’à l’arrivée au camping, que nous espérons atteindre en début d’après-midi avant la grosse chaleur.

Nous quittons la ville sur une route qui descend doucement en direction de notre Rio Zêzere. Nous traversons des villages avec d’anciennes usines de textile (vous vous souvenez encore qu’à l’époque les habits H&M étaient « made in Portugal » ?). On est dimanche, mais il y a déjà de la vie dans les villages, les cafés sont ouverts et on croise même une fanfare.

Nous traversons le Rio Zêzere, et comme on ne peut pas descendre plus bas que la rivière, c’est là que la route recommence à monter. Si vous pensiez qu’une route qui suit une rivière était toujours plate, vous vous êtes trompés ! Celle-là commence même très raide, mais s’aplatit peu après, heureusement. Nous avançons bien (peut-être grâce à ce petit-déjeuner d’éléphant ?), et à 13h nous décidons d’aller directement au camping pour piqueniquer là-bas. Mais avant ça, il y a encore une montée de-la-mort-qui-tue :

Nous devons pousser les vélos à deux. Après cet épisode épuisant le reste semble presque facile malgré la chaleur, et nous arrivons à Janeiro de Baixo à 14h. Le minuscule camping municipal est situé à côté de la rivière et d’une petite plage, et il y a un café qui sert des boissons froides et des repas simples. Il n’y a rien de mieux. Nous installons vite la tente puis restons toute l’après-midi sur la plage, entre bains rafraîchissants, piquenique et sieste. Le soir c’est moules et autres petiscos au bar avant de passer une nuit au calme et au frais dans notre tente.

C’est reparti pour une autre journée chaude et dure. Réveil à 6h30, départ à 8h15, et ça commence avec une longue montée. L’avantage des montées est qu’on roule vraiment lentement et on a plein de temps pour contempler la nature proche et lointaine.

Nous pédalons sur une route loin au-dessus du Zêzere, avec de belles vues sur les vallées et collines environnantes. Les montées et descentes s’enchaînent, les montées étant toujours trop longues et les descentes trop courtes…

Vers 13h le soleil commence à taper sérieusement et nous avons l’impression de ne pas avancer… Seulement un coca bien froid nous aide à avancer.

Quand nous arrivons au village de notre destination, il est l’heure de la pause déjeuner et nous ne trouvons pas de magasin ouvert. Nous continuons donc en direction du barrage, que nous atteignons après une dernière montée rude. Malheureusement la plage n’est pas à la hauteur de nos attentes (concrètement, il y a du verre cassé partout et pas d’ombre où se poser). Nous y passons donc seulement pour un bref saut dans le lac pour nous rafraîchir, puis nous allons nous poser sur une place de piquenique un peu plus loin pour manger ce qui nous reste dans nos sacoches. Pour arriver au camping il faut franchir une dernière montée que je fais en poussant – un camping qui se respecte se trouve toujours en haut d’une montée!

Nous posons notre tente à côté de la roulotte d’un suédois qui voyage avec son chien et son chat (et quelques centaines de bouteilles de bière) et qui vient parler un peu avec nous.

Il y a aussi une petite piscine agréable, par contre pas de magasin, contrairement à ce qui est annoncé sur leur site web. A l’heure du dîner, c’est donc le tour de notre « ration de secours », un paquet de spaghetti-sauce-parmesan que nous transportons au fond d’une sacoche depuis le nord de l’Espagne. Le résultat n’est pas très convaincant – quelques nouilles flottant dans une sauce blanche – mais nous les avons mangés quand même, et complétés avec une bière et une glace au bar du camping en guise de dessert.

Le lendemain, départ de bonne heure. Nous roulons sur la route nationale 2 qui traverse le centre du Portugal du nord au sud. A nos jours avec les nombreuses autoroutes, cette route nationale est calme et agréable pour nous cyclistes. Elle nous offre aussi quelques belles vues. Nous faisons ainsi presque tout le trajet prévu pour la journée jusqu’en début d’après-midi. Justement quand il commence à faire chaud, nous arrivons à Ferreira do Zêzere où nous passons du temps au supermarché avec sa climatisation et son café, avant d’attaquer les derniers 10 kilomètres. La plupart des maisons ont de grands potagers, des oliviers, des figuiers, et les mûres poussent au bord de la route. Une autre chose qui « pousse » sur le bord de la route, ce sont les déchets. Les portugais (tout comme leurs voisins les espagnols) semblent encore avoir cette attitude fâcheuse de lancer leurs déchets par la fenêtre de la voiture. Du coup, les bords de routes sont décorés de déchets, parfois juste devant le jardin de quelqu’un. Les jardins eux-mêmes sont le plus souvent très propres et jolis, mais ce qui se passe en dehors de chez eux cela ne semble intéresser personne. Notre petite « enquête statistique » a montré que les bouteilles en PET sont les déchets les plus fréquents – merci aux grandes entreprises qui ont fait croire à tout le monde – avec succès – que toute la population de la terre devait boire au moins 2 litres d’eau par jour, et bien évidemment pas l’eau du robinet… (un article intéressant sur ce sujet : What drove us to drink 2 litres of water a day ? de S. Tsindos, à lire par exemple ici : https://www.researchgate.net/publication/225277236_What_drove_us_to_drink_2_litres_of_water_a_day).

Mais revenons au Portugal. Nous sommes en train de rouler sous un soleil de plomb et l’air est assez chaud pour faire du pain. Mais nous ne faisons pas ça pour rien, car nous visons un camping… hollandais ! On ferait tout (ou presque) pour ça… Après la dernière montée (car un camping qui se respecte se trouve toujours en haut d’une montée…), l’accueil est sympathique, notre emplacement dans le camping est ombragé, il y a une petite table juste pour nous, une petite piscine bien fraîche, et des poulets qui se promènent à côté de la tente et dont on peut acheter les œufs frais le matin (et faire de bonnes choses à manger !). Ce sera notre endroit pour passer une journée de repos.

Après ce repos et un air un peu moins chaud nous repartons retrouver notre Zêzere que nous avons laissé un peu de côté pour retrouver ce camping au calme. L’étape sera une des plus courtes de notre voyage, car nous voulons visiter Constância, petite ville où le Zêzere rejoint le Tejo (en sorte « la jonction » du Portugal, pour nos amis genevois). Nous y arrivons en fin de matinée après une étape facile, perturbée seulement par la chute de mon vélo (en arrêt) sur ma jambe, heureusement que le résultat n’est qu’un gros hématome – la béquille est une des grandes faiblesses de mon vélo car elle ne fait que rarement son boulot !

A l’arrivée à Constância c’est donc café (et glaçons pour ma jambe maltraitée), puis bain dans la rivière, piquenique de poulet grillé, repos et petite balade en ville, suivi par un bon dîner dans un restaurant sympathique. En résumé, la belle vie !

En bonne compagnie!

Le lendemain nous commençons par nous diriger en direction du Castelo de Almourol, les ruines d’un château situés sur une petite île. Mais il n’y a aucune indication sur les heures d’ouverture et à 9h du matin il n’y a encore rien qui bouge, alors nous repartons après avoir pris quelques photos.

Nous suivons maintenant le Rio Tejo qui nous amènera à Lisbonne. Cette région est très plate et il y a des champs à perte de vue, au début surtout du maïs (y compris quelques champs de maïs OGM). Nous sommes obligés de faire un bout de route très désagréable, avec beaucoup de camions et aucune bande de côté pour y échapper, donc nous sommes contents quand nous pouvons l’éviter un peu plus tard et pédaler tranquillement sur des petites routes agricoles. Nous faisons une pause de midi un peu plus longue que d’habitude, car nous arrivons à Almeirim pour l’heure du déjeuner, ville connue pour la Sopa da Pedra (ou soupe de pierre – voici une version anglaise de la légende : http://catavino.net/sopa-da-pedra-a-humble-gastronomic-tale-about-sharing/).

Ainsi bien nourris, nous continuons à pédaler sur les petites routes entre les champs et nous découvrons d’immenses champs de tomates, ainsi que les machines utilisées pour les récolter. Plus tard on nous racontera dans un café que ces tomates sont transformées en purée et autres produits dans une usine locale.

Camion de tomates
Les champs de tomates

En fin de journée, nous sommes obligés de rouler quelques kilomètres sur une route très fréquentée par des camions transportant… des tomates ! Nous visons un camping dans un petit village de pêcheurs, et pour arriver là notre GPS nous envoie sur une route de sable. Les routes de sable sont probablement un des pires ennemis du cyclo-voyageur. Avec le poids des sacoches, les roues s’enfoncent et il devient impossible de pédaler. Et quand on arrive encore à pédaler, il faut être tout le temps concentré pour éviter les accumulations de sable, qui risquent d’arrêter net le vélo. Au moins en vélo couché on ne tombe que rarement, contrairement au vélo debout (où c’est souvent la roue avant qui bloque). Il faut alors pousser le vélo avec les roues enfoncées dans le sable… C’est une expérience très fatigante, et surtout extrêmement frustrante. Heureusement nous n’avons que 2-3 kilomètres à faire avant d’arriver au camping. En nous approchant de l’entrée, nous entendons un grand splash ! – il y a une piscine ! C’est un moment de bonheur. C’est un camping sans prise de tête : mettez-vous où vous voulez, utilisez les prises électriques que vous voulez, et au café on nous prépare un repas à notre demande et pour le dessert on nous pose un melon entier sur la table. Les campings hollandais sont bien pour leur perfectionnisme, mais les campings portugais sont sympathiques pour leur simplicité.

Le lendemain matin nous faisons un tour au village de pêcheurs.

Nous continuons à zigzaguer entre les champs de tomates et de poivrons pour éviter la route nationale, qui semble quand même un peu plus calme aujourd’hui, nous sommes samedi.

Un couple de cigognes à côté de la route

Puis nous enchaînons 20 kilomètres de route nationale toute droite, il faut se concentrer et garder un œil sur le rétroviseur (en passant, l’accessoire de sécurité le plus important, bien plus que le casque…), mais les voitures nous laissent bien de l’espace et l’expérience est moins désagréable qu’attendu. Nous arrivons près de Montijo d’où un bateau nous amènera à Lisbonne, mais avant nous allons manger du poisson grillé dans un restaurant avec vue sur le Tejo.

A 16h30 le bateau nous pose en plein centre de Lisbonne.

C’est toujours étonnant comme il est facile de naviguer même dans une grande ville. Les aménagements cyclistes sont de plus en plus nombreux à Lisbonne, même s’ils sont encore loin d’être parfaits. Et pour arriver à Alfornelos, chez les parents de Miguel, nous avons une piste cyclable presque ininterrompue.

Sur le chemin nous voyons les avions passer au-dessus de nous pour atterrir à l’aéroport de Lisbonne. Cela nous fait drôle de nous dire que nous sommes arrivés ici à vélo, seulement avec la force de nos jambes, alors que nous avions l’habitude d’y arriver en avion. Tout d’un coup on réalise qu’on peut arriver n’importe où à vélo. Il suffit de pédaler. Et même si on ne fait que 20 km par jour, on y arrive quand même. A ce moment-là, le nombre de kilomètres perd totalement son importance. 500, 2000, 5000 ou 20’000 kilomètres, aucune importance pour le voyageur à vélo.

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